Quels artistes, ces footballeurs !
Sur un rectangle vert, des bleus, des jaunes, des rouges s’animent, virevoltent et tourbillonnent dans un éclatant bain de lumière qui ajoute encore à la blancheur des cages et des filets, des lignes du terrain et de cette balle bondissante.
Dès le coup de sifflet final, au soir de ce 25 mars 1952, ébloui par le rayonnement, les couleurs, les masses, les actions de ce match France-Suède, Nicolas de Staël regagne son atelier et se met tout de suite au travail. Il a vu le mouvement luminescent de la matière, des blocs voler, des poids se mouvoir.
Il saisit sa truelle, sans dégradé et en aplat, il étale sur la toile, d’un geste vif mais réfléchi, tout comme le balancement de jambe d’un footballeur, la peinture pure et épaisse. Il s’attache à l’essentiel : décrire les déplacements rapides des joueurs ainsi que leur engagement physique par des formes, de l’allure, du rythme. Avec des empâtements larges, des jeux d’obliques, des coups de couteaux puissants, des stries de matière, il retranscrit les traces que le match a laissées en lui.
Il baptise ce tableau aux dimensions impressionnantes (2 mètres par 3 mètres 50) :
Le Parc des Princes
Les jours suivants, il réalise les vingt-quatre toiles « Les grands footballeurs » ; un titre évocateur et honorifique qui souligne la forte impression que lui transmet l’atmosphère de ce sport.
Le 10 avril 1952, il écrit à son ami René Char. C’est le regard sensible d’un peintre qui s’exprime, là où un amateur de football voit une belle action footballistique, Nicolas de Staël ressent un choc esthétique :
« C’est merveilleux. Entre ciel et terre, sur l’herbe rouge ou bleue, une tonne de muscles se meut dans l’oubli total d’elle-même, mais avec toute la présence qu’exige l’exercice, dans la plus complète invraisemblance. Quelle joie ! René, quelle joie ! »