Dubuffet prend le contre-pied de ses œuvres antérieures. Il abandonne la peinture à l’huile et les matériaux naturels pour les peintures vinyliques et les markers.
Au départ de l’aventure de simples griffonnages au stylo à bille que l’artiste avait pris l’habitude de réaliser de manière un peu « automatique » lors de conversations téléphoniques.
Les créations de l’Hourloupe se caractérisent par des aplats aux couleurs primaires, rouges, bleus, blancs cernés d’épais traits noirs. Ces proliférations de cellules imbriquées, aléatoires et instables paraissent pouvoir se reproduire exponentiellement selon leurs propres lois de développement et échappent à la volonté du peintre.
Avec les Peintures monumentées en 1966, l’Hourloupe se fait habitation, végétation et se donne en spectacle au théâtre. Un univers parallèle fantasmatique, un « plongeon dans le fantasme », dira-t-il plus tard.
En 1973, Jean Dubuffet franchit une étape supplémentaire et présente au Guggenheim de New York, puis au Grand Palais à Paris un « spectacle intermédiaire entre la peinture et le théâtre » : Coucou Bazar.
Quand le tableau s’anime !
Coucou Bazar, sous-titré Bal de L’Hourloupe ou Bal des Leurres, est composé de praticables (découpes peintes mobiles) et de costumes portés par des danseurs aux noms évocateurs : Mini la Minaude, La simulatrice, Le grand malotru, L’Auditeur, Le paltoquet… Le tout est fait pour évoluer de façon quasi imperceptible, frontalement, afin de créer une suite infinie de combinaisons dont les différents plans se mettent en mouvement, disparaissent ou apparaissent, comme si toutes les parties de l’ensemble d’un tableau étaient dotées d’une vie propre. Ce tableau animé, dont la musique est également signée Dubuffet, est un véritable spectacle à la fois étrange et original.
À la fin de sa vie Dubuffet revient à la peinture sur simple papier. Dans ses Théâtres de mémoire, il assemble des œuvres de différents styles en un patchwork dynamique. En point final de sa carrière surgissent les Mires, Non-lieux, Episode, Activation XXI qui tendent de plus en plus à l’abstraction, jusqu’à évoquer le néant…
Jean Dubuffet se donne la mort à Paris le 12 mai 1985.
« Les créations d’art demandent à être regardées isolément et non dans un cadre de foire d’échantillons que les organismes culturels se plaisent à leur donner. Il me semble qu’à porter la création d’art sur un terrain de confrontations, comparaisons, compétitions, on en dénature le sens et on en appauvrit l’usage ». J.Dubuffet.
Dans un souci de préserver la cohérence de sa production artistique, même s’il reste méfiant à l’égard des institutions, Jean Dubuffet choisit de confier une partie de ses œuvres au musée des Arts décoratifs, la seule valable à ses yeux pour présenter son travail (donation en 1967).